Fukushima : des populations en danger

Cet article est tiré du dossier de presse du Réseau Sortir du Nucléaire : Fukushima, 6 mois après : la catastrophe continue.

Des populations en danger exposées à leur insu, au risque de radiation et de contamination

Les Japonais ont brutalement appris que des indices d’une fusion des cœurs - comme la présence de tellurium - avaient été détectés par les experts dès la journée suivant le tsunami.
Les faits n’ayant été révélés que trois mois après, la population n’a pas été informée en temps réel des risques majeurs qu’elle encourait. Les autorités japonaises n’ont pas non plus communiqué les premières mesures de radioactivité, permettant d’observer l’évolution et la dispersion du panache radioactif. Ainsi, les tout- premiers habitants évacués, qui s’étaient réfugiés dans la petite ville de Namié, se trouvaient en réalité dans un des lieux où les niveaux de radiation étaient les plus élevés (1).

Des zones habitées six fois plus contaminées que Tchernobyl

En août, le Pr. Christopher Busby, un scientifique britannique spécialiste de la radioprotection procédant à des mesures à Tokyo, trouve à certains endroits des concentrations en radionucléides aussi élevées que celles observées dans la zone d'exclusion de Tchernobyl (2) .
Les Japonais eux-mêmes font valoir que de multiples endroits non-évacués de la préfecture de Fukushima témoignent d'une concentration en radionucléides plus élevée que dans la zone interdite de Tchernobyl. Deux semaines après le début de la catastrophe, suite à la découverte de oncentrations de Césium 137 dans le sol du village de Iitate (à 40 km de la centrale), le Professeur Hiroaki Koide, de l'Université de Kyoto, avait ainsi rappelé qu'en 1986, on avait évacué rapidement tous les endroits où la contamination dépassait 550 000 Bq/m2. À Iitate, ces concentrations ont atteint jusqu’à 3 260 000 Bq/m2 pour le Césium 137.

Des travailleurs sacrifiés

Tout aussi ahurissante est l’absence d’information sur et à destination des travailleurs sécurisant la centrale de Fukushima Daiichi. On apprend le 30 août le décès d’un ouvrier de la centrale, suite à une leucémie aiguë. (3) Selon Tepco, son décès n’aurait rien à voir avec son activité à la centrale. Pourtant, le témoignage du journaliste japonais Kazuma Obara, qui a effectué une visite « incognito » sur le site, laisse peu d’interprétations possibles :
« Le 1er août, Tepco a annoncé qu’un rayonnement de 10 000 millisieverts par heure avait été détecté entre les réacteurs n°1 et n°2, non loin du panneau où les idéogrammes peints en rouge proclament : « D’un même élan du cœur : n’abandonne jamais, Fukushima ». En se tenant une minute et demie à cet emplacement, un ouvrier dépasserait la dose annuelle limite de 250 millisieverts. A l’époque, les ouvriers n’en avaient pas été avertis. On ne leur a d’ailleurs jamais rien expliqué, même suite à cette annonce. ».  (4)
Aucune nouvelle n’a par ailleurs filtré depuis six mois sur le sort de tous les autres ouvriers contaminés depuis le début de l’accident.

Une machine gouvernementale de censure

Censure sur la presse (5), diffusion de faux sites d’information... Le gouvernement japonais a recours à tout un assortiment de moyens pour étouffer la contestation. L'arrivée même de matériel de radioprotection est freinée : en mai, ce sont des milliers de compteurs Geiger envoyés par des pays étrangers qui restent bloqués à l'aéroport de Narita au lieu d'être
distribués, donnant lieu à une controverse à la Chambre des Représentants au Japon (http://videos.sortirdunucleaire.org/Fukushima-des-milliers-de) .

Éclosent également des discours faisant écho aux conclusions du « Forum Tchernobyl » (6) (une instance qui avait largement contribué à minimiser les conséquences de la contamination, ainsi que l'effet délétère des plus faibles doses, et dont les travaux ont été dénoncés par plusieurs associations (7)) : le vrai risque ne viendrait pas des radiations, mais du stress lié aux informations sur la radiation. On a ainsi pu entendre lors de la 14ème Conférence internationale de la recherche sur les effets de la radiation qu’il fallait éviter de donner des informations « alarmistes » sur Fukushima afin de ne pas menacer la santé mentale de la population japonaise (8)...

La société civile s'organise

Un peu partout, des citoyens se sont formés à la mesure des radiations. C’est ainsi que des citoyens japonais, avec l’aide d’organisations françaises et allemandes (CRIIRAD, Umweltinstitut München, IPPNW...) ont fondé une association de mesure de la radioactivité, le (Citizen’s Measurement Radiactivity Station http://en.crms-jpn.com/ ). Son objectif est d’installer dans toutes les 47 préfectures japonaises des stations de mesure de la radioactivité sur les personnes et dans les aliments. Ses membres font malheureusement le constat que la radioactivité ne cesse d’augmenter dans l’environnement tandis que l'information envers les populations fait cruellement défaut. 

Des malades potentiels non pris en charge

De plus en plus de personnes, y compris à Tokyo, se plaignent de troubles évoquant (les symptômes d’une contamination (http://tinyurl.com/3napbqh) . Comme le décrit Wataru Iwata, les évacués « ne sont pas pris en charge médicalement - même quand, par exemple, les parents amènent leur enfant chez le médecin avec des symptômes suspects comme des saignements de nez. Ils croient que cela ne peut pas venir des radiations car ces gens auraient reçu moins de 100 millisieverts ».  100 millisieverts cumulés : en-
deçà, tout est en effet considéré comme « faible dose » par les autorités.  Lors d’une conférence à l’ambassade de France au Japon, l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) abonde dans ce sens, en ajoutant que « chacun doit être maintenant acteur de sa radioprotection et chercher à optimiser sa dose individuelle» (9). Or, comment peut-on conseiller à quelqu’un d’être « acteur de sa radioprotection » si aucune information n’est disponible ? Si rien n’est mis en place pour permettre l’évacuation des populations, seul moyen de limiter efficacement son exposition à l’irradiation externe ? 

Les enfants exposés à la radioactivité

Très peu de temps après le début de la catastrophe, les écoles ont réouvert dans la préfecture de Fukushima, en dépit de mesures témoignant d’une radioactivité élevée. Plutôt que d'envisager de nouvelles vagues d’évacuation qui constitueraient pour les autorités l'aveu d'un échec dans la gestion de la catastrophe, on décide donc de nier les conséquences sanitaires, en arguant que la vie doit continuer comme avant, malgré l’accident et les très hauts taux de radioactivité.

Quelle poursuite du nucléaire au Japon?

43 réacteurs sont maintenant à l’arrêt au Japon, soit plus de 80 % du parc. Dans leur grande majorité, les autorités locales ne souhaitent pas les voir redémarrer. Par ailleurs, 14 nouvelles failles sismiques ont été découvertes à proximité de sites nucléaires japonais (10), un élément de poids tout particulièrement dans le contexte post-11 mars, vis-à-vis de la politique atomique. En juillet dernier, le Premier Ministre Naoto Kan avait plaidé pour un Japon dénucléarisé et pour un soutien accru aux énergies renouvelables. 

Une attitude contradictoire à l'international

Si le nouveau gouvernement n'envisage pas la construction de nouvelles centrales nucléaires, il souhaite le redémarrage des unités actuellement à l'arrêt. Il semble qu'une transition énergétique rapide se heurte à de fortes résistances, et que le lobby nucléaire japonais, bien qu’entaché de scandales, conserve une influence importante sur le gouvernement. Ainsi en juin, à la conférence climatique de Bonn, les représentants du Japon s’étaient montrés les plus ardents défenseurs de l’inclusion du nucléaire dans le « Mécanisme de Développement Propre », ces actions pour diminuer les émissions dans des pays en développement financées par les pays occidentaux (11). 

Centrale de Tomari, exception ou premier exemple d'une régression générale ?

Alors que le nouveau Premier Ministre, M. Yoshihiko Noda, plaide pour un redémarrage des centrales, le 17 août, le réacteur n°3 de la centrale nucléaire de Tomari, sur l’île d’Hokkaido, a déjà redémarré. Selon Kaori Izumi, de l’association japonaise « Shut down Tomari », Tomari avait d’ailleurs commandé dès juin un chargement de MOX, ce combustible à base de plutonium, qui doit être fabriqué d’ici novembre à l’usine Melox, dans le Gard (France). C’est ce même type de combustible, vendu par Areva, qui était utilisé dans le réacteur n°3 de Fukushima Daiichi. D’une toxicité particulièrement élevée, il est aussi plus prompt à entrer en fusion qu’un combustible classique.    

Retrouvez la chronologie de la catastrophe au jour le jour sur le site du Réseau “Sortir du nucléaire” sur : http://www.sortirdunucleaire.org/alerte-japon

Et en France, avons-nous tiré les leçons de Fukushima ?

Alors que la Suisse, l'Allemagne ou l'Italie tiraient très tôt les leçons de cette catastrophe en décidant d'une sortie du nucléaire, ou d'une non-reprise de leur programme nucléaire, le gouvernement français a lui, réaffirmé son indéfectible soutien à l'atome. Avec Fukushima a ressuscité l'argument de la « supériorité technologique française ». Le réacteur EPR, alors fortement décrédibilisé par une longue liste de retards, surcoûts et révélations sur sa sûreté déficiente, est devenu l'antidote au nucléaire « bon marché » et à tous les problèmes de sûreté existants et à venir. Même les révélations accablantes de l'Autorité de Sûreté Nucléaire sur les graves malfaçons sur le chantier de l'EPR, fin août, n'amènent aucune remise en question du "fleuron" de la technologie française... Quant à la prolongation de la durée de vie des réacteurs vieillissants comme ceux de Fessenheim, pas question de la remettre en question, même si les travaux nécessaires s'avèrent colossaux.

(1) http://www.nytimes.com/2011/08/09/world/asia/09japan.html?_r=1&scp
=5&sq=fukushima&st=cse 

(2) http://www.youtube.com/watch?v=XNzDg4O9dkw&feature=youtu.be 
(3)  http://jen.jiji.com/jc/eng?g=eco&k=2011083000421 
(4) http://www.centpapiers.com/fukushima-daiichi-le-visage-des-heros/80615

(5) Le gouvernement japonais a ainsi fait passer une ordonnance demandant la censure de tous les articles et commentaires allant à l’encontre de la parole officielle :
http://www.soumu.go.jp/menu_news/s-news/01kiban08_01000023.html

(6)  www.iaea.org/Publications/Booklets/Chernobyl/chernobyl.pdf
(7)  www.nirs.org/reactorwatch/accidents/chernob_report2011webippnw.pdf
(8) http://www.ddmagazine.com/201109012282/Actualites-du-developpement-durable/-Parler-de-Fukushima-dans-la-presse-peut-etre-dangereux.html 

(9)  http://afe-asie-nord.info/docs/CR_IRSN_juillet_2011.pdf 
(10) http://www.yomiuri.co.jp/dy/national/T110831005677.htm 
(11) http://www.nuclearisnotmitigation.com/

Pour en savoir plus : http://sortirdunucleaire.org/

Savoir plus sur :
le risque d'accident nucléaire
Savoir plus sur :
le fournisseur d'électricité verte Enercoop
Définitions
Historique
Les armes nucléaires
Les centrales nucléaires
Le nucléaire médical
État des lieux des énergies
La France nucléaire
Conséquences
L'avenir du nucléaire
Un choix français :
le chauffage électrique
Le nucléaire en Bretagne
Tchernobyl et
l'Europe de l'Est
1957 : l'accident de Mayak en urss
L'Allemagne
Niger et Gabon : contamination à l'uranium
L'Inde
Nucléaire et environnement
Accidents nucléaires
et terrorisme
Risques sur la santé
Déchets radioactifs
Transports
à haut risque
Nucléaire militaire : une menace réelle
L'énergie nucléaire n'est pas gratuite !
Halte au gaspillage !
Énergie solaire
Biomasse
Énergie éolienne
Hydroliennes
Énergie hydraulique
Géothermie
Habitat bioclimatique
Démarche Négawatt
Fournisseurs d'électricité verte
Nucléaire et démocratie
Sureté nucléaire ?
Le lobby nucléaire
Le réacteur ITER
Nucléaire : solution à l'effet de serrre ?
Le nucléaire n'est pas renouvelable
Les travailleurs du nucléaire
Les oppositions
Qu'est ce que le nucleaire ?
Le cas de la france
le reste du monde
Les dangers du nucleaire
Les solutions
Les actus
indication menu
lien vers definition
lien vers la rubrique cas de la France
lien vers le reste du monde
lien vers les dangers
lien vers les solutions
lien vers les actus
actualite nucleaire

Liens utiles - - - Glossaire - - - FAQ (foire aux questions) - - - Inscription newsletter - - - Plan - - - Actualités du nucléaire - - - Archives : anciens articles
Énergie nucléaire ? - - - Nucléaire en France : une exception - - - Nucléaire dans le monde - - - Risques & dangers du nucléaire - - - Solutions pour sortir du nucléaire
Mentions légales